L’âge de la retraite des femmes est relevé de 64 à 65 ans en Suisse. Le peuple a en effet approuvé la réforme de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) à une courte majorité. L’augmentation de la TVA pour l’AVS est également confirmée.
L’assurance-vieillesse et survivants (AVS) a subi une énième épreuve dans les urnes, mais cette fois la réforme proposée par le gouvernement et le parlement a rencontré le soutien de l’électorat.
Selon les résultats définitifs, 50,6 % des électriciens et des électeurs ont dit « oui » au relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans. L’approbation de la réforme est un moment apparue dans la balance, mais les résultats nets du canton de Zurich ont donné l’avantage au camp du « oui »: le canton a enregistré 55,8% de votes favorables.
Les femmes devront donc travailler une année supplémentaire en Suisse, prenant leur retraite au même âge que les hommes à partir de 2024.
L’augmentation de 0,4 point du taux de TVA en faveur de l’AVS a également rencontré l’assentiment de la population : 55,1% ont répondu « oui ».
C’est un résultat tiré au sort, comme l’avaient prédit analystes et analystes ces dernières heures.
La dernière enquête d’opinion menée par la SRG a révélé 59% de l’électorat favorable à la réforme, mais aussi une progression progressive du camp du « non ».
Les arguments en faveur de la révision de l’AVS, dite AVS21, l’ont donc emporté sur la citoyenneté, quoique dans une moindre mesure que prévu.
La réforme AVS en bref
La réforme vise à garantir le financement du premier pilier du système de prévoyance suisse, l’AVS, pour les générations futures. Avec l’augmentation de l’espérance de vie et l’augmentation du nombre de retraités par rapport à ceux encore actifs sur le marché du travail, en effet, la stabilité financière de l’AVS au cours des dix prochaines années est en danger.
Pour l’instant, le bilan AVS est toujours positif, mais selon les projections, l’assurance sera déficitaire à partir de 2029. Pour cette raison, le Parlement a approuvé l’an dernier le projet AVS21 d’assainissement des finances de l’assurance vieillesse.
Globalement, la réforme de l’AVS21 permettrait de rééquilibrer les finances de l’AVS, faisant rentrer dans ses caisses un total d’environ 17 milliards de francs. Le relèvement de l’âge de la retraite des femmes permettrait à lui seul d’économiser 1,2 milliard de francs par an à partir de 2029, tandis que la hausse de la TVA rapporterait 1,3 milliard de francs supplémentaires par an aux caisses AVS à partir de 2024.
Cependant, la réforme AVS21 ne suffira pas à garantir le financement des retraites au-delà de 2032.
Une Suisse divisée
Les résultats ont esquissé une situation classique de « Röstigraben » et « Polentagraben », c’est-à-dire de votes très différents entre la Suisse alémanique, d’une part, et la Romandie et le Tessin, d’autre part.
A de très rares exceptions près, la modification de la loi AVS a été abandonnée dans les communes francophones et italophones, alors que c’est l’inverse qui s’est produit là où l’on parle allemand.
Le plus grand soutien à la réforme a été enregistré à Zoug (65,0%), le moins dans le Jura (29,1%). Parmi les opposants – avec Vaud, Fribourg, Bâle-Ville, Schaffhouse, le Valais, Neuchâtel, Genève – se trouvaient les Tessinois (42,9%), tandis que les Grisons (56,2%) soutenaient la proposition.
« Diviser le pays sur un sujet de ce type n’est pas une bonne idée, cela aura des conséquences », estime le président de l’Union syndicale suisse (USS) Pierre-Yves Maillard.
« Nous avons un rapport de force très difficile en Suisse alémanique », assure l’ancien conseiller d’Etat socialiste. « Mais quand je me suis levé ce matin, je ne pensais pas que le résultat serait si serré. »
Nicola Siegrist, présidente des Jeunes socialistes suisses, pense que le pourcentage élevé de « non » à l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes montre à quel point l’injustice de la loi AVS n’est pas acceptée à la légère.
Plus convaincu était l’approbation du deuxième thème, la hausse de la TVA pour soutenir les pensions, un amendement constitutionnel qui nécessitait une double majorité du peuple et des cantons : seuls cinq cantons, tous francophones, s’y sont opposés : Vaud, Fribourg, Neuchâtel, Jura et Genève. Au Tessin, les favorables étaient de 50,7%, dans les Grisons de 58,5%.
« Fin des diktats de la gauche »
L’Union suisse des arts et métiers interprète le « oui » à la réforme de l’AVS comme « la fin des diktats de la gauche sur la politique sociale », lit-on dans un Tweet publié par l’organisation.
L’Union suisse des entrepreneurs (USI) va plus loin et réfléchit déjà à relever l’âge de la retraite pour tous, le portant à 67 ans. « Nous ne pouvons pas restructurer le système de retraite sans serrer la vis de l’âge de la rente », a déclaré Vogt aux micros de la SRF.
Economisuisse se tourne également vers l’avenir, affirmant la nécessité de nouvelles réformes pour stabiliser l’AVS à moyen terme. Ces interventions doivent être réalisées rapidement, souligne l’organisation.
« Un affront aux femmes »
Selon la présidente du syndicat UNIA Vania Alleva, cette réforme représente toutefois un affront aux femmes, qui continueront à avoir des salaires bas et des retraites inférieures à celles des hommes, malgré l’obligation de travailler une année supplémentaire.
Le syndicaliste estime qu’il est important d’agir immédiatement pour remédier aux injustices du deuxième pilier de la prévoyance professionnelle. « La discrimination structurelle, le désavantage des femmes dans le deuxième pilier doit être corrigé », a déclaré Alleva à SRF.
Pour cela, selon Unia, une pression dans la rue et dans les entreprises est également nécessaire : le syndicat soutiendra largement la mobilisation en vue de la grève des femmes de 2023.
La société divisée sur la réforme
L’amendement à la loi fédérale concernant le relèvement de l’âge de la retraite pour les femmes seulement a été très controversé lors de ce vote. Le front du « non » s’est opposé au financement de l’AVS fait sur les épaules des femmes, car il pénalise une partie de la population déjà touchée par la baisse des retraites (avec un écart de 35% par rapport aux hommes) et les inégalités salariales (avec des salaires en moyenne 19% inférieurs ).
Les syndicats, les partis de gauche et les groupes de femmes ont affirmé la nécessité d’atteindre l’égalité salariale et de reconnaître le travail non rémunéré effectué par les femmes, avant d’assimiler leur âge de la retraite à celui des hommes.
« Avant qu’ils nous volent sept milliards de francs en nous faisant travailler une année supplémentaire, payez-nous les 7,7 milliards de francs d’inégalité salariale ou les 248 milliards de francs de travail de soins non rémunéré [cura delle persone care e lavori domestici] menées par des femmes», a expliqué Mathilde Mottet, 27 ans, secrétaire centrale adjointe de la Jeunesse socialiste suisse (GISO).
Sans surprise, la polarisation entre hommes et femmes sur ce point est évidente. La dernière enquête de l’institut gfs.bern avant le vote a révélé que la majorité des femmes (51%) s’opposaient au projet, tandis que le soutien net à la réforme dominait parmi les hommes (70%).
Qui veut pouvoir travailler après 65 ans
Les partis du centre et de droite favorables à la réforme ont notamment plaidé pour une plus grande flexibilité de la retraite : l’AVS21, en effet, permet de choisir librement le moment de la retraite entre 63 et 70 ans, en fonction des besoins personnels. Ceux qui veulent travailler après 65 ans peuvent donc bonifier leur pension.
En outre, les partisans et les défenseurs estiment qu’il est juste que les femmes et les hommes prennent leur retraite au même âge. En effet, les femmes vivent généralement plus longtemps que les hommes et profitent plus longtemps de leur retraite. L’âge différencié de la retraite est le vestige d’une société patriarcale qui considérait les femmes physiologiquement désavantagées par rapport aux hommes.
« On ne peut pas combattre un système patriarcal et accepter que les femmes partent à la retraite un an plus tôt que les hommes. L’égalité n’est pas à la carte », a déclaré Gabrielle de Simone, membre du secrétariat général de la Jeunesse du Parti radical libéral (PLR).
La Suisse s’aligne sur les autres pays européens
La réforme que nous avons votée est considérée comme le projet le plus important du Parlement dans la législature en cours et son approbation ne semblait a priori pas acquise : le dernier changement majeur de l’AVS remonte à 1997.
Les réformes ultérieures ont été rejetées par le peuple ou par le Parlement. En particulier, en 2017, le projet de pension vieillesse 2020 a fait naufrage à cause du « non » à la TVA (par seulement 2357 voix au niveau du peuple, mais nettement pour les cantons, 13,5 contre 9,5) et pour le non contemporain à la loi (52,7 %).
Des réformes similaires ont déjà été adoptées dans la plupart des pays européens (voir graphique ci-dessus) : en Norvège et en Islande, les femmes doivent travailler jusqu’à 67 ans. En Italie jusqu’à 66,6 ans et en Espagne et au Danemark jusqu’à 65 ans. Cependant, l’âge actuel de la retraite des femmes en Suisse est conforme à la moyenne de l’OCDE (63,5 ans en 2018).